Du cinéma plein les yeux

Affiches de façade peintes par André Azaïs, trésor de la Cinémathèque de Toulouse

Octobre 1977 : le cinéma Le Royal, situé au 49 rue d’Alsace-Lorraine, en plein centre de Toulouse, ferme définitivement ses portes. Son directeur invite alors la Cinémathèque de Toulouse à venir prendre ce qu’elle souhaite pour enrichir sa collection : photos, pressbooks, affiches... Tout ce qui sera laissé sur place finira, quoi qu’il arrive, au rebut – l’équipe de la Cinémathèque a l’habitude de ce type de situation. Raymond Borde, dont la passion pour le cinéma est désormais bien connue, et Guy-Claude Rochemont, qui l’accompagne, prennent le temps d’ouvrir toutes les portes... Et découvrent, dans un endroit reculé du cinéma, un amas de rouleaux de papier. Sans doute un peu étonné par l’intérêt que suscite ce lot d’affiches roulées, le directeur en fait immédiatement don à la Cinémathèque de Toulouse.

L’ensemble constitué par ces affiches de façade occupe une place à part dans la collection d’affiches de cinéma de la Cinémathèque de Toulouse, considérée aujourd’hui comme la première en France (75 000 affiches). Réalisées par le même artiste, André Azaïs, durant une période relativement brève (du milieu des années 1960 à celui des années 1970), elles sont d’une dimension hors normes (en moyenne 5 x 2 m) puisqu’elles étaient fabriquées sur mesure pour être accrochées sur la façade du Royal. Peintes à la main en un seul exemplaire, elles sont donc uniques. Cette collection, composée de 184 pièces, n’a

pas d’équivalent en France, ni semble-t-il en Europe. Et cette rareté s’explique aisément : le temps de vie utile de ces affiches géantes se limitait au temps de programmation du film d'autant que leur format était spécifique aux dimensions de chaque façade ; ne pouvant resservir ailleurs, vouées aux aléas climatiques, encombrantes et difficiles à ranger, elles ont, dans la plupart des cas, trouvé de tout temps la « poubelle » pour achever leur histoire. Le destin du fonds conservé depuis 1977 par la Cinémathèque de Toulouse est donc exceptionnel.

La présentation de cette collection au public a constitué l’un des moments forts du cinquantième anniversaire de la Cinémathèque de Toulouse. Après l’exposition de 22 de ces affiches à l’Espace EDF Bazacle, à Toulouse, du 1er février au 27 avril 2014, et la publication du livre Du cinéma plein les yeux (en coédition avec Nouvelles éditions Loubatières), voici une exposition virtuelle qui permet de découvrir l’intégralité des 184 affiches. Et de rappeler que cet art de l’éphémère n’était pas spécifiquement toulousain, ni même français : animé par de véritables « artistes- artisans », celui-ci était pratiqué dans le monde entier, et les façades de cinéma étaient donc toutes habillées de ces affiches géantes.

En valorisant un fonds précieux et rare, en mettant à l’honneur une pratique quelque peu oubliée – les affiches peintes de grand format – et un artiste méconnu, en racontant une aventure toulousaine, cette exposition est une invitation à regarder le cinéma autrement.